OGIC #

Pourquoi le vide fait partie du patrimoine précieux de nos villes

Concentrées, saturées, surpeuplées, nos villes souffrent de trop-plein. Et s’il était de la responsabilité des acteurs de la ville de s’engager pour préserver les « espaces vides » ? Pour Emmanuel Dargier, Directeur Général Immobilier d’Entreprise chez OGIC, la sauvegarde de ce patrimoine précieux est une nécessité pour faire respirer nos cadres de vie et laisser la place à la nature.

À l’heure où la densification sature les espaces urbains, le vide est plus que jamais une denrée rare. Pour respirer, nous citadins, partons en quête de ces espaces libres, nous donnant rendez-vous sur les places, les quais, les berges ou dans des cours d’immeubles – quand nous n’allons pas tout simplement le chercher en dehors des villes. Avec la crise sanitaire, ce sont ces espaces salutaires qui ont été investis.

Un défi pour l’urbanisme et l’architecture ? Les promoteurs ont un rôle à jouer, et une responsabilité, face à ce défi de défense des espaces libres et autres interstices urbains. Avec tous les acteurs de la ville, nous contributions à inventer des moyens de les préserver – ou de recréer des respirations là où il n’y en a plus !

Le vide comme patrimoine

« La densité urbaine ne s’accepte que balancée par l’espace vide », écrivait André Jacqmain, architecte : « Le vide a une double utilité, sa disponibilité et la liberté mentale qu’il procure ». Mais comment le préserver dans un projet architectural ? De mon expérience, construire ne veut pas dire remplir, et il est tout à fait possible de créer des plans-masses qui font la place au vide de manière créative, et avec le souci des riverains.

C’est tout le sens de notre programme Bercy Crystal, réalisé avec les architectes de l’agence Brenac & Gonzalez & Associés. Le défi ? L’école qui était située à côté du futur projet avait la chance de bénéficier d’une orientation idéale pendant toute la journée, et l’espace libre juste à côté permettait une belle respiration. Le problème, c’était que notre future construction risquait de couper l’école de la vue et de l’apport de lumière.

À lire aussi

Réhabilitation de friches industrielles : expérimenter une autre façon d’habiter la ville

Avec Emmanuel Person, architecte sur Bercy Crystal, nous avons décidé de faire autrement, comme il l’explique lui-même : « Nous avons donc réfléchi à une nouvelle répartition de l’espace pour que ce soit profitable à tous. Un peu comme le vivre-ensemble : faire en sorte que le rapport à l’autre soit choisi et non subi ». En d’autres termes, pour laisser la place au vide, nous avons donc choisi de concentrer le projet sur le fond de la parcelle, de le densifier en le faisant monter plus haut afin de pouvoir laisser libre une partie du terrain. « Le choix de l’édifice compact libère ainsi du sol et offre à l’école voisine et au quartier un espace végétal inattendu. La densité n’est pas l’ennemi du vide » résume Emmanuel Person.

Ainsi, sur cet espace libre, nous avons pu planter de la nature en pleine terre, et laisser une vue dégagée et végétale aux écoliers. C’est un vrai travail de couture urbaine où le traitement des façades contribue au sentiment d’espace : les plus exposées au soleil bénéficient d’une double peau cristalline constituée de vantelles en verre plissée, ce qui permet de construire sans nuire à la respiration du quartier – et à sa luminosité !

Créer des failles et de la porosité

Lorsqu’on crée des espaces vides et naturels, la tentation est de les protéger en les réservant aux habitants du projet, en les cachant derrière des murs d’enceinte. Mais construire un projet urbain, c’est toujours penser aux riverains et à l’échelle du quartier – et de la ville !

Ces espaces, nous les pensons donc toujours dans le sens du partage en créant des failles, pour que la nature soit visible de tous. En lieu et place de ces murs d’enceinte, nous privilégions quand nous le pouvons des clôtures poreuses et ouvertes pour que ces respirations bénéficient aussi aux riverains. Lorsque nous avons réhabilité l’ancien hôpital Richaud à Versailles avec Wilmotte & Associés Architectes, ses magnifiques espaces verts étaient cachés à la ville, alors nous les avons restitués à tous les habitants en abattant les frontières de ces jardins.

Même chose pour l’un de nos projets dans le XVe arrondissement de Paris, rue Viala, où nous avons réhabilité un site qui disposait d’un jardin d’un hectare en son centre. Pour l’ouvrir sur le quartier, nous avons implanté des plots d’habitation en bordure de rue, ce qui permettait de laisser des percées pour que les riverains puissent voir ce jardin intérieur, un havre de nature en plein Paris qui a été réalisé par les paysagistes de Pena Paysages. Ces failles permettent aux quartiers de respirer davantage plutôt que de remplir et de concentrer sans cesse l’espace.

Cela vaut aussi pour le rapport à la rue : créer un retrait permet de laisser plus d’espace et de lumière et d’y planter des arbres en pleine terre. Grâce à cette prise de recul, les riverains respirent mieux et voient de la nature à leur fenêtre.

Aristote écrivait que « la nature a horreur du vide », je dirais aussi qu’elle en a besoin et qu’il faut lui faire confiance !

Crédit image de la cour du Carré des Siècles : blog French Vadrouilleur.