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Vaincre la résistance au changement, une clé de la transition écologique ?

Savoir ne suffit pas pour agir. Huit Français sur dix se disent “inquiets” face au changement climatique selon un sondage Ipsos-Sopra Steria et ils sont 63% à penser que le changement doit commencer par soi-même. Pour autant, le passage à l’action est plus difficile et les résistances au changement freinent la transformation profonde de nos modes de vie, de production et de consommation. Ces freins ne sont pas une fatalité ! Selon plusieurs experts réunis lors du salon ProDurable 2022, la solution est de prendre en compte nos biais cognitifs dans les stratégies environnementales, autrement dit : le facteur humain.

« Comprendre le facteur humain », tel était le titre d’une table ronde du Salon ProDurable animée par Amélie Rouvin, fondatrice d’Ecosophia. Une nécessité pour comprendre pourquoi, malgré la sensibilisation, nous n’arrivons pas collectivement à changer davantage nos comportements ?

Aujourd’hui, les mécaniques de nos actions sont souvent mal comprises et font l’objet de nombreux préjugés. Résultat ? La part belle est toujours donnée à la pédagogie et aux explications, mais nombreux sont les experts qui, forts des découvertes des sciences cognitives, appellent à changer de perspective sur nos comportements. Petit tour d’horizon des nouvelles réponses, et cas concret.

3 préjugés sur le changement des comportements

Préjugé n°1 : la résistance au changement ne concerne que les individus

« L’homme est un animal social », écrivait Aristote, une réalité que l’on oublie trop souvent quand on cherche à changer de comportement. 

« Le facteur humain ne concerne pas seulement les individus pris isolément, au contraire : il ne faut pas omettre l’influence du collectif, de la norme, de la reconnaissance d’autrui, des incitations sociales à tous les niveaux, dans ce qui détermine nos comportements au quotidien », rappelle Jacques Fradin, docteur en médecine et Directeur de l’Institut de Médecine Environnementale. Plus mystérieux, plus complexe qu’on ne l’imagine, les rouages de nos comportements nous échappent et avec eux la clé pour générer des changements positifs pour l’environnement.

Pour les comprendre, Jacques Fradin a créé le GIECO, qui se présente comme le « GIEC du comportement ». Son manifeste ?

« Le comportement humain étant aujourd’hui clairement identifié comme le facteur « g » de destruction de notre écosystème et ce dans d’innombrables domaines qui dépassent largement notre rapport à l’écologie ».

Selon Jacques Fradin, on oppose à tort l’échelle du comportement individuel à celui des comportements collectifs d’institutions publics et privés. Au contraire, comprendre les mécaniques des comportements individuels permettra d’influencer les comportements collectifs : 

« Le facteur humain inclut aussi bien les électeurs-consommateurs-citoyens que les acteurs, que ce soient les entrepreneurs qui créent le monde économique ou les décideurs institutionnels ou politiques. Nous ne pouvons pas dire qu’il y a d’un côté les comportements et de l’autre les institutions, avec par exemple une résistance des institutions, car c’est la même chose : il y a toujours des humains derrière ! Le facteur humain est partout. »

Préjugé N°2 : nos comportements sont toujours rationnels

« La pédagogie, c’est important mais ça ne suffit pas ! Parce que même lorsqu’on connait le problème et ses solutions, cela ne suffit pas à déclencher l’action » explique Sandrine Raffin, fondatrice de l’agence LinkUp Factory, qui lance cette année une grande étude sur 3 ans pour comprendre l’impact de différentes stratégies sur les comportements des citoyens de deux collectivités locales.

L’idée ? Si nos comportements ne sont pas rationnels, nous devons trouver d’autres stratégies pour générer le changement :

« Nous voulons sortir de la simple pédagogie pour faire du marketing social, c’est-à-dire mieux comprendre les ressorts de l’action : comment une personne va-t-elle se sentir concernée ? Pour y arriver, il faut dépasser le simple domaine du rationnel pour toucher à l’émotionnel et en prenant ainsi en compte les véritables contextes et donc les jeux de contraintes que vivent les gens au quotidien ».

 Très développé dans les pays anglo-saxons, le marketing social a pour objectif de rendre attractif un comportement positif en dépassant les ressorts habituels, souvent inefficaces. Pour Jacques Fradin, c’est une réalité observable notamment dans le monde médical :

« En tant que médecin, je faisais de la médecine environnementale dans les années 70-80, notamment en prévention contre la prise de poids ou les mauvaises habitudes alimentaires. Malgré leur motivation, mes patients étaient 95% à ne plus suivre mes prescriptions au bout d’une année ! Ils se sont heurtés à un obstacle important, puisqu’il se sont heurtés à eux-mêmes ».

Le développement de méthodes d’accompagnement nouvelles utilisant des ressorts comportementaux a permis de multiplier par 6 le taux de suivi des patients !

Préjugé N°3 : la meilleure méthode, c’est de faire peur !

Qui dit émotionnel ne veut pas dire que toute stratégie fondée sur l’émotionnel fonctionne, loin de là.

Il est crucial de jouer intelligemment sur nos biais cognitifs pour accompagner une prise de conscience, au lieu de chercher à provoquer une réaction forte et manipulatoire, comme l’explique Sandrine Raffin : « Souvent, pour changer les comportements, on va maximiser les conséquences afin d’effrayer les gens, par exemple en disant « C’est terrible ! C’est trop tard ! C’est foutu ! ». En réalité, c’est une stratégie qui va amener une réaction, mais pas une action : la majorité va préférer ne pas écouter et se protéger, c’est ce qu’on appelle la réactance d’un individu, qui est un mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par un individu qui tente de maintenir sa liberté d’action lorsqu’il la croit ôtée ou menacée.

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Au contraire, il faut chercher à comprendre les biais cognitifs pour les contourner : l’effet colibri par exemple, qui tire son nom d’une légende amérindienne :

« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ». Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

L’effet colibri, c’est ainsi cette réaction que tout le monde peut avoir de se dire : pourquoi est-ce à moi d’agir, si les autres ne font rien ? Cela amène ainsi vers un point auquel l’humain est sensible : l’équité, comme le rappelle Jacques Fradin : 

« Souvenez-vous de la grande campagne sur les comportements au volant et l’installation des radars. Leur réussite tient notamment au fait que les excès de vitesse étaient déclarés par des robots, qui ne faisaient de différence ou discrimination. Si la loi est la même pour tous, alors nous pouvons tous agir ! »

Cas concret: les sciences du comportement appliquées à l’immobilier

« La prise en compte du comportement est contre intuitive dans nos métiers » explique Clément Théry, Directeur de l’Innovation chez OGIC :

« L’essentiel de notre impact sur le monde relève de la construction et la question des comportements nous concerne a priori moins puisqu’elle n’intervient qu’après. Cependant, vous pouvez concevoir le bâtiment le plus économe en ressources du monde, si ses habitants mettent le chauffage à fond et ouvrent les fenêtres… l’impact environnemental du bâtiment n’est plus du tout le même ! ».

Prenant conscience de l’importance d’encourager un usage vertueux de nos bâtiments, nous avons cherché à concevoir des lieux de vie qui accompagnent et facilitent les bons comportements. Autrement dit, nous avons souhaité sortir de l’aspect purement constructif et technique pour donner à nos bâtiments la capacité d’être des outils de politique publique, dans la lignée de nombreux courants de pensée urbanistique qui défendent l’idée d’une transformation du corps social par le changement du cadre de vie. 

Fondé sur une étude sociale réalisée avec l’institut BVA auprès de ménages parisiens, OGIC a ainsi conçu New G, le premier immeuble 100% nudge du monde, avec de nombreuses idées comme le recours à des comparatifs de consommation d’électricité entre habitants du même immeuble : plus utiles que de simples schémas présentant votre consommation, un comparatif permet aux usagers de situer leur consommation dans un contexte vraiment comparable, et de créer ainsi une émulation.

Une méthode qui a aussi été utilisée par Regis Koenig, Directeur du Service Consommateur et Durabilité du groupe FNAC DARTY pour augmenter la durée de vie des produits qu’il commercialise : en publiant les chiffres de pannes et de durée de vie des différentes machines et en établissant un classement par marque, les fabricants ont alors été poussés à prendre en compte ce rapport dans leur stratégie : « Tout le monde veut sauver la planète mais, en vérité, ce qui déclenche vraiment les changements de comportement, c’est que chacun veut atteindre ses objectifs personnels !».

D’autres exemples de nudges ont été mis en place à la fois sur New G et dans d’autres projets, afin de rendre nos habitants acteurs d’une ville plus durable.

Découvrez New G : une nouvelle façon d’habiter la ville

Parce que notre mission ne s’arrête pas à la livraison, le nudge marketing est un outil pour encourager un usage vertueux de nos bâtiments sur la durée, et ainsi contribuer à réduire leur empreinte carbone sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Chez Ogic, nous avons voulu appliquer cette approche à nos projets, en particulier sur New G, un nouveau projet qui verra le jour en 2022. Dessiné par les architectes Catherine Dormoy (ACD Architecte) et Vincent Parreira (AAVP), ce sera une première en France et dans le monde. Il est le produit d’un partenariat avec BVA, notamment avec Eric Singler, le spécialiste en France.