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Construire en terre crue ? Une solution bioclimatique économe en énergie

Et si l’un des plus anciens matériaux de construction était aussi l’un des plus durables ? Dans le contexte d’impératifs environnementaux grandissants, il est urgent de trouver des solutions pour alléger drastiquement le coût thermique des bâtiments. Au cœur d’Ydéal Confluence à Lyon, OGIC a impulsé la construction d’un immeuble en terre crue, une technique ancestrale et pourtant exemplaire en termes de bilan carbone.

Qu’ont en commun le palais de l’Alhambra, la Grande Mosquée de Djenné et le tout nouvel immeuble de l’Orangerie, à Lyon ? Vous l’avez deviné, il s’agit de 3 constructions en terre crue, une technique millénaire consistant à construire des bâtiments avec le matériau le plus disponible qui soit : la terre.

Mal connu dans nos contrées, cet écomatériau bas-carbone et zéro-déchet reste pourtant utilisé pour plus d’un tiers de l’habitat humain. Simple hasard ? Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour plaider un retour à ce biomatériau en France, et pour cause : à l’heure où le secteur du bâtiment est le deuxième plus important émetteur de gaz à effet de serre, la terre crue pourrait bien être une clé de la transition écologique du bâtiment.

Biothermique, bas-carbone, zéro-déchet… C’est pour toutes ces raisons que, dès les phases initiales du projet sur l’îlot B2 de Lyon Confluence, nous avons opté pour cette solution constructive prometteuse. Explication et mise en œuvre.

Le pisé : une technique ancestrale à base de terre crue

« La terre crue est une technique de construction aussi ancienne que l’homme », explique Jean-Claude Morel, chercheur à l’université de Coventry.

Le principe est simple : bâtir avec ce que l’on a sous les pieds ! Pour trouver cette matière première, il suffit en effet de la prélever dans le sol sous la couche de terre riche en matières organiques, précieuse et réservée à la production végétale. Après extraction, la terre crue se forme avec un mélange d’argile, de limon, de sable et parfois de cailloux et de graviers, qui est transformé en matériau de construction selon différentes méthodes, que ce soit en bauge, en adobe, en torchis ou en pisé comme sur le projet de l’Orangerie, à Ydéal Confluence.

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Technique ancestrale, le pisé n’en est pas moins rare et ce pour une raison historique : pour reconstruire vite après la Deuxième Guerre Mondiale, béton, acier et briques de terre cuite remplacent les matériaux naturels d’antan comme la terre crue dans tout le pays. « Que vous soyez en école de maçonnerie ou d’ingénieur, jamais on ne vous enseigne les techniques vernaculaires », se désole Nicolas Meunier, entrepreneur spécialisé dans le pisé, avant d’ajouter : « Les choses évoluent désormais ». Impératif écologique oblige, on redécouvre aujourd’hui les architectures de terre, et tout ce que ces écomatériaux peuvent faire pour le développement durable.

Fort de la volonté d’OGIC de remettre la terre crue au cœur d’un projet contemporain, l’architecture de l’Orangerie et ses 1000 m2 de bureaux répartis sur deux étages plus rez-de-chaussée constituaient de véritables défis techniques : avec ses grandes arches en pisé de plus de 9 mètres de hauteur, le bâtiment a nécessité toute l’expérience des équipes sur le terrain pour sa mise en œuvre. La technique consiste à comprimer le matériau terre crue entre des panneaux de coffrages pour la rendre la plus compacte possible et former des blocs. Au niveau de l’architecture, avec ses façades porteuses en pisé et son ossature intérieure en bois, ce bâtiment est en lui-même un tour de force artisanal, et une vraie démonstration de l’avenir du pisé en zone urbaine.

Construction en terre crue : un excellent bilan énergétique de la production à l’habitation

Toute l’ambition d’OGIC sur le projet Ydéal Confluence est de promouvoir une exigence environnementale très forte avec notamment l’utilisation de l’autoconsommation collective. Le secteur du bâtiment étant très énergivore : chauffage et climatisation des bâtiments rejettent dans l’atmosphère une quantité considérable de gaz à effet de serre.

C’est là que la construction en terre crue intervient. Dès le départ, l’énergie nécessaire à sa fabrication est plus faible que pour d’autres matériaux puisqu’il n’est pas nécessaire de la chauffer, mais simplement de la compacter mécaniquement dans un coffrage pour former ce que l’on appelle des « pisoirs ». Ses caractéristiques font de la terre crue un matériau moins énergivore que la brique cuite ou le ciment – responsables de près de 7% des émissions de CO2 dans le monde – et une solution pour un urbanisme frugal car elle est disponible partout.

L’une des grandes qualités de la construction en terre crue réside dans sa contribution à l’inertie thermique d’un bâtiment, autrement dit sa capacité à conserver de la chaleur en hiver et de la fraîcheur en été ! C’est sa densité particulière qui lui confère ses qualités de stockage : les murs en pisé vont ainsi pouvoir garder l’énergie d’une journée ensoleillée pour la restituer la nuit, ce qui est idéal dans nos climats continentaux où la température varie. « La terre crue est un matériau qui a des propriétés d’isolant naturel, pour un bâtiment qui s’adapte aux températures extérieures », résume Anthony Manelli, Directeur de programmes chez OGIC. « Le gros inconvénient du pisé, c’est qu’en cas de forte chaleur, tous les voisins viennent chez vous prendre le frais », plaisante Nicolas Meunier.

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Mieux encore, le matériau terre crue améliore considérablement le confort des habitants de manière naturelle grâce à ses capacités hygrothermiques et acoustiques, sans nécessiter aucun isolant extérieur supplémentaire. En contact avec l’air intérieur, le matériau terre crue régule l’humidité de l’habitation en stockant les molécules d’eau lorsque l’air est humide, et en les restituant lorsque l’air est trop sec. Mieux encore, ces murs sont « respirants », neutres pour la santé, ne dégageant aucun composé nocif, absorbant les odeurs, et étant d’excellents isolants phoniques.

Architecture en terre crue : un biomatériau ultra-local et recyclable à l’infini

Le secteur de la construction est l’un de ceux qui génèrent le plus de déchets en Europe, et notamment une immense quantité de terre crue issue de chantiers. En l’exploitant pour le bâtiment, pure et sans aucun adjuvant, avec une résistance acquise par simple compactage, nous pouvons ainsi créer de véritables boucles d’économie circulaire rare dans le milieu de la construction, d’autant plus qu’à défaut d’être renouvelable, la terre crue est un matériau réutilisable à l’infini, bon marché, et contribue à déminéraliser le paysage urbain.

Pour réduire encore son impact carbone, la terre utilisée pour l’Orangerie a été trouvée à moins de 30 km du chantier, à Saint-Quentin-Fallavier. Initialement, le matériau devait partir à plus de 60 km pour être stocké dans un remblai, ce qui aurait généré des émissions de carbone bien supérieures. Apportée en vrac, sans emballage, la terre crue est alors juste débarrassée de ses plus gros cailloux avant de pouvoir être compactée en bloc, le plus souvent directement sur le chantier. Ensuite, ce qui n’est pas utilisé est retourné à la terre sans impact négatif pour l’environnement.

Pour Anthony Manelli, ce projet n’est qu’une première étape : « En tant que promoteur, notre rôle est d’impulser le changement vers un habitat plus résilient. Avec ce projet, notre ambition, c’est de contribuer à développer la filière terre crue et nous voulons que d’autres bâtiments de ce genre puissent, bientôt, sortir de terre ! »

Conçu pour OGIC par le cabinet Clément Vergély Architectes, le projet du bâtiment de l’Orangerie a bénéficié de l’accompagnement des bureaux d’études Batiserf, Scoping et Etamine. OGIC a été choisie dans le cadre d’un concours lancé en 2015 par la Métropole de Lyon et l’aménageur SPL Confluence.

Crédit photo : ©Fabrice Fouillet – ©Erick Saillet