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« Les ruches en ville contribuent au cercle vertueux de la vie »

Depuis quelques années, les ruches s’installent en ville. L’idée première est de favoriser la biodiversité et de protéger les abeilles, une espèce menacée. Cependant, cela nécessite plus qu’un savoir-faire, cela requiert une vraie implication pour ne pas faire de cette brillante idée un désastre écologique. Rencontre avec Nadège Roget, fondatrice de la Ruche de Yanège, dont la vision et les connaissances sont au service de la préservation des abeilles.

Les abeilles sont un maillon essentiel de notre écosystème. Contribuant à 80 % de la reproduction des plantes à fleurs, elles sont au cœur de l’équilibre entre la faune et la flore. Sans elles, de nombreuses espèces végétales puis animales disparaîtraient et avec elles, l’essentiel de notre alimentation. Albert Einstein aurait même affirmé que « si l’abeille venait à disparaître de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que 5 années à vivre. » Pourtant, leur taux de mortalité est en moyenne de 30 % chaque année. En cause : produits toxiques, parasites, monocultures ou encore changements climatiques.

Prenant la mesure du problème, Nadège Roget (La Ruche de Yanège) a eu l’idée de chercher des lieux atypiques et peu fréquentés pour implanter des ruches. Les chantiers représentaient une belle opportunité longtemps inexploitée. Ce sont autant d’espaces inoccupés pendant plusieurs mois voire plusieurs années, loin des pesticides et dans un environnement floral varié. Ils offrent un cadre de vie haute sécurité aux abeilles et aident à la survie de leur espèce.

Rencontre avec Nadège Roget, spécialise des ruches en ville (Les ruches de Yanège)

Comment en êtes-vous venue à mêler apiculture et projets immobiliers ?

Nadège Roget. Cela fait 10 ans que je suis apicultrice en Seine-et-Marne. J’ai commencé suite à la récupération d’un essaim sauvage. Il y a 5 ans, une entreprise située à Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, m’a sollicitée pour l’aider à agir pour la biodiversité et faire baisser son impact environnemental. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler dans des milieux plus urbains en installant des ruches dans de petites entreprises locales.

En 2016, OGIC m’a approché pour les mêmes raisons, mais à plus grande échelle. Aujourd’hui, nous avons une soixantaine de projets de ruches en ville en cours en Ile-de-France.

Pourquoi avez-vous accepté cette collaboration avec OGIC ?

Nadège Roget. De manière générale, je choisis les sociétés avec lesquelles je travaille en fonction de leurs engagements environnementaux et de leur démarche globale. Une entreprise qui ne voit les abeilles que comme un phénomène de mode et dont la motivation ne repose pas sur un réengagement ne m’intéresse pas. Selon moi, OGIC structure l’ensemble de ses projets en accord avec ses engagements. Ils agissent et mesurent leur impact sur l’environnement à tous les niveaux de leurs métiers : choix des matériaux, des peintures, de l’espace, de la lumière ainsi que la végétalisation de leur programme. C’est cette vision globale et réelle qui m’a séduite.

Pourquoi installer des ruches sur les chantiers ?

Nadège Roget.  Pour respirer ! La végétation, essentielle pour notre équilibre grâce à sa production d’oxygène, a besoin de la faune pour survivre. L’implantation de ruches en ville permet donc de contribuer au cercle vertueux de la vie.

De plus, les abeilles sont comme les humains, elles ont besoin de diversité pour leur bien-être. Cela influe sur la qualité de leur miel. Les ressources naturelles représentent donc un enjeu de taille pour leur alimentation. En ville, les multiples aménagements paysagers offrent une source florale plus diversifiée. Cela garantit une source d’alimentation pérenne et riche.

Alors qu’en milieu rural, les ruches sont souvent entourées de champ en monoculture, d’autant que ces trois dernières années, on a subi une météo capricieuse. Le mois de mai, normalement le plus gros mois de production de miel grâce aux floraisons s’est appauvri ces dernières années. Les abeilles ne sortent plus car les fleurs sont vidées de leur nectar. Dans le cadre d’une monoculture, cela signifie qu’il n’y a plus de ressources alimentaires naturelles.

Et pour le promoteur immobilier ?

Nadège Roget. Pour le promoteur, je dirais qu’il s’agit plus d’une démarche de sensibilisation et de preuve par l’action. Cela permet de réaffirmer et d’embarquer les clients et les partenaires sur des questions environnementales et de biodiversité, mais également de contrer les croyances établies qu’un chantier à une incidence négative sur la biodiversité. Tout dépend de la façon de faire les choses. La preuve, c’est que non seulement les abeilles vivent très bien sur un site en construction mais elles produisent même un miel de qualité.

Résultat :  en 2018, notre miel a obtenu la médaille d’argent au concours des meilleurs miels d’Ile de France et du Grand Paris pour la production faite sur le chantier OGIC d’Ivry-Sur-Seine.

" Les abeilles sont comme les humains, elles ont besoin de diversité pour leur bien-être. "

Nadège Roget, fondactrice de La Ruche de Yanège

Concrètement, quelles sont les étapes nécessaires à l’installation d’une ruche en ville ?

Nadège Roget. La première chose à faire avant une installation est d’observer l’environnement d’accueil. D’abord pour les abeilles, nous devons nous assurer qu’elles aient suffisamment de ressources naturelles pour se nourrir. Ensuite, pour des raisons de sécurité, on vérifie les distances entre les ruches et la voie publique. En réalité, les abeilles ne sont pas dangereuses car elles ne s’intéressent pas aux humains, uniquement aux fleurs. Cependant, on doit s’assurer que le personnel de la Ruche de Yanège et que les ouvriers vont avoir assez d’espace pour travailler et intervenir dans les bonnes conditions, sans se déranger. Ensuite, on s’assure qu’il n’y ait pas d’arrêté préfectoral ni d’arrêté municipal. C’est la seule contrainte légale.

On peut alors installer les ruches. En général, elles restent 1 à 2 ans sur un chantier, tout dépend des dates de livraison du programme et de sa durée. Un apiculteur vérifie en moyenne une fois par mois les ruches en période d’hivernage pour s’assurer qu’elles ont toutes les ressources nécessaires pour faire face à l’hiver. Il ne faut pas les déranger trop souvent. En pleine saison, on passe toutes les semaines ou tous les quinze jours en fonction de leur évolution.

Une fois le programme terminé, si le syndic de copropriété souhaite continuer le partenariat, les ruches sont installées sur les toits ou dans un espace réservé. Sinon, on enlève les ruches. Le miel produit durant toute la durée du projet est mis en pot et donné à OGIC qui en dispose à sa guise, souvent en l’offrant aux futurs acquéreurs du projet ou en le donnant à des associations.

La pollution n’a-t-elle pas d’impact sur la qualité du miel ?

Nadège Roget. Nous avons effectué des analyses il y a quelques années sur le miel provenant de ruches implantées en milieu urbain afin de vérifier l’éventuelle présence de métaux lourds ou de pesticides. Nous avons uniquement retrouvé des traces infinitésimales de zinc, ce qui n’impacte en aucun cas le miel et la santé des abeilles. Au contraire, la ville présente deux intérêts majeurs : la diversité de ressources comme évoqué mais surtout l’absence de pesticides -première cause de mortalité des abeilles. De plus, une étude faite à Vancouver et à Lyon a montré que, quoiqu’il arrive, le miel ne subit pas la pollution

Pourtant, certaines études mettent en avant les effets négatifs des ruches en ville. Comment expliquez-vous cela ?

Nadège Roget.  Sur un projet, je m’attache toujours à ne jamais dépasser 3 ruches pour ne pas surcharger l’environnement. Sinon, l’impact pourrait, en effet, être négatif. Il ne doit pas y avoir trop d’abeilles domestiques au même endroit. D’ailleurs, il est bon de savoir qu’il existe plusieurs types d’abeilles sauvages pour une seule abeille domestique appelée apis mellifera. Et c’est cette dernière qui produit du miel.

Implanter trop de ruches en ville amène à une cannibalisation d’espaces entre elles et a donc un effet inverse sur la biodiversité. Raison pour laquelle, je refuse de mettre des ruches dans Paris intramuros où il y a beaucoup plus de ruches qu’on ne le pense. C’est le fameux phénomène de mode dont je parlais. Il est essentiel d’être raisonnable et de les installer dans les meilleures conditions pour que tous ces pollinisateurs puissent cohabiter et ainsi assurer le bon équilibre entre faune et flore.